« Tolle lege ! »
Ce site propose une traduction systématique des références antiques et médiévales du roman Le Nom de la rose d’Umberto Eco.
Dans le labyrinthe du roman, une aide est parfois la bienvenue. Se refusant à tout commentaire sur les références quelquefois obscures qu’égrènent cette fiction, et par elle tous ses personnages aux cultures, langues et origines variées, Umberto Eco a laissé à ses lecteurs les plus investis le soin souvent périlleux de lever le voile sur les mystères de l’Abbaye.
Le premier objectif de ce site est de traduire tous les passages qui ne sont pas en français dans le texte. Le Lecteur, tout savant qu’il soit, sera confronté à un moment ou à un autre à un mot, un segment ou une phrase qu’il comprendra mal voire pas. J’ai voulu éclairer ces passages grâce à une traduction systématique. Puis s’ajoutent à cela des notes littéraires, des analyses grammaticales, des explications culturelles, religieuses ou thématiques ; le risque est important de s’éparpiller et de se dissoudre dans les méandres du grand jeu de références qu’est Le Nom de la rose ; on termine alors comme ces érudits scoliastes qui n’en finissaient plus de se perdre en apparentes arguties.
Il y a bien des raisons d’utiliser le latin dans un texte rédigé dans une autre langue : fidélité à une citation en langue source, connivence savante avec un lectorat lettré, référence précise à une notion partagée, ironie textuelle, décalage énonciatif, pudique lorsqu’il s’agit d’un passage controversé (le rire, la sexualité, le Diable), révérencieuse lorsqu’on touche au sacré (Dieu, les Écritures, Aristote), j’en omets beaucoup d’autres. Les traductions plus récentes, dans des langues cibles où on estime que le lectorat ne partage pas ou plus cette connaissance antique, offrent un texte où le latin est au mieux systématiquement suivi de sa traduction, au pire supprimé du texte originel. Cela me semble préjudiciable à l’expérience du lecteur, car les accrocs du texte qu’impliquent ces îlots de citations créent une distance entre celui-ci et son lecteur qui participe dans son ensemble à l’aventure de la lecture ; ils en forment le sel.
« Ce sont peut-être des énigmes avec une autre signification, suggérai-je. Ou bien avez-vous une autre hypothèse ?
— J’en ai une, mais confuse encore. J’ai l’impression, en lisant cette page, d’avoir déjà lu certains de ces mots, et des phrases presque identiques, que j’ai vues ailleurs, me reviennent à l’esprit. Il me semble même que cette feuille parle de quelque chose dont on a déjà parlé ces jours-ci… Mais je ne me souviens pas de quoi. Il faut que j’y pense. Peut-être me faudra-t-il lire d’autres livres.
— Pourquoi donc ? Pour savoir ce que dit un livre vous devez en lire d’autres ?
— Parfois, oui. Souvent les livres parlent d’autres livres. Souvent un livre inoffensif est comme une graine, qui fleurira dans un livre dangereux, ou inversement, c’est le fruit doux d’une racine amère. Ne pourrais-tu pas, en lisant Albert, savoir ce qu’aurait pu dire Thomas ? Ou en lisant Thomas, savoir ce qu’avait dit Averroès ? » Quatrième jour, Tierce
Bonne lecture.