Mon nom est Florian-Pierre Zanardi et je suis actuellement (2023) doctorant-assistant à l’université de Genève (en cotutelle avec l’université Lumière-Lyon-II). Avant cela, j’étais professeur agrégé de lettres dans le secondaire à Lyon.
Mes travaux de recherche se concentrent sur l’exploration d’une chronique romanesque fictionnelle connue sous le titre de cycle des Sept Sages de Rome. Plus précisément, j’édite un manuscrit médiéval que la tradition a eu tendance à négliger, le manuscrit français BnF 1446. Il contient une rédaction un peu différente, remaniée, du dernier roman du cycle, le roman de Kanor, intitulée Li Histoire de Kanor et de ses freres. C’est l’histoire d’un jeune garçon (et de ses frères), fils de Cassidorus, le plus vaillant des chevaliers et puissant empereur, qui doit recevoir en héritage les deux grands empires de Rome et de Constantinople. On y découvre leur histoire : comment un lion les prit dans sa gueule pour les conduire loin du danger, comment un ermite maladroit mais aimant tenta de les bercer, leur éducation exemplaire, leurs pouvoirs presque magiques que leur confère leur gémellité. Sous la protection du bon roi de Hongrie, et de sa femme, ils aspirent à devenir chevaliers : le lecteur suit leurs aventures, allant des jeux de chasse dans la Forêt Sauvage aux tours assiégées du château de Cino, où ils sont gardés prisonniers par un châtelain malveillant et le sire de Princefuel, son frère. Tout concourt à faire de Kanor le modèle du courageux et sage empereur. Mais la prophétie se réalisera-t-elle comme prévu ?
J’ai entendu parler de ce roman en classes préparatoires, il y a de cela longtemps. Je l’ai acheté, je l’ai ouvert, et j’eus très peur. Jamais, avant décembre 2019, je ne l’avais remis entre mes mains ; comme tout amateur de cinéma, je m’étais contenté de la bonne adaptation avec Sean Connery et le moinillon Adso de Melk, incarné par le jeune Christian Slater, « au visage imberbe d’un novice ». C’est après l’avoir lu en un peu moins d’une semaine que je me suis dit d’une part que j’avais été bien bête de passer à côté de ce roman, et que, d’autre part, il pourrait être intéressant de partager tout cela avec d’autres lecteurs qui, eux aussi, avaient peut-être eu peur en voyant le roman.
Les notes sont généralement de trois natures : analyse littéraire (style, enjeu, grammaire, étymologie, etc.), contexte religieux, et références culturelles. Les commentaires littéraires sont généralement de moi, les développements contextuels font souvent appel à d’autres sources (universitaires généralement, parfois Universalis) et les voiles culturels sont soulevés par ce que je sais, et ce que je découvre. Quoi qu’il en soit, dès qu’une information ne vient pas de moi, elle est référencée sous la forme classique d’une entrée bibliographique en fin d’article. La plupart du temps, je privilégie la version PDF du document que j’ai utilisé. Une partie des biographies provient de celles présentes dans The Key to The Name of the Rose.
Ce site a été rédigé en grande partie dans la première moitié de l’année 2020. Au fil du temps, je le complète, l’amende et le maintiens techniquement à jour. En juillet 2022, la rédaction des annotations est terminée. Toutes les citations en langues étrangères ont été traduites. Un travail d’approfondissement et d’harmonisation se poursuit, au fur et à mesure.
L’édition de référence en français est : Umberto Eco, Le Nom de la Rose, traduction Jean-Noël Schisano, Grasset, 1982.
C’est mon édition de travail, mais j’ai voulu que ces aides puissent être utilisées par tout le monde, quel que soit l’exemplaire en français que vous ayez entre les mains (édition de poche par exemple). Toutefois, il importe de préciser que certaines éditions en français (celle du Livre de poche, pour ne citer qu’elle) contiennent des coquilles dans la reproduction des textes en langue étrangère. Ces mêmes textes sont par ailleurs traduits dans les éditions anglophones, alors qu’ils restent en version originale dans les éditions françaises ou italiennes ; ce qui explique que quelques manuels anglophones d’aide à la compréhension du Nom ne fassent pas mention de certains mots.
J’ai autant que faire se pouvait confronté les éditions française, italienne et anglaise afin de pallier ces coquilles et manques, considérant toujours que c’était l’auteur qui avait le dernier mot.
Le Nom de la rose présente une scénographie diégétique complexe. Le narrateur extradiégétique du chapitre « un manuscrit, naturellement » (qu’on pourrait décrire comme un cadrage discursif péritextuel fictionnalisant, en ce qu’il prétend présenter l’œuvre qui va suivre tout en faisant déjà partie de la fiction) en joue de toute évidence lorsqu’il déclare :
Tout bien réfléchi, elles étaient plutôt minces, les raisons qui pouvaient me porter à faire imprimer ma version italienne d’une obscure version néo-gothique française d’une édition latine du XVIIe siècle d’un ouvrage écrit en latin par un moine allemand vers la fin du XIVe siècle.
Se dégagent rapidement 5 niveaux :
- le Manuscrit de Dom Adso de Melk (manuscrit original latin), fin XIVe siècle.
- l’édition latine du manuscrit, édition de Jean Mabillon (Analectes anciens), fin XVIIe siècle.
- la version néo-gothique française, par l’abbé Vallet, 1842.
- la version italienne de ce récit, par une personne pouvant être Umberto Eco, commencée le 16 août 1968.
- l’objet esthétique Le Nom de la rose, 5 janvier 1980, par Umberto Eco.
Car le Nom de la rose est avant tout l’histoire d’un livre qui passe les siècles jusqu’à acquérir une dimension mythologique : c’est ce livre dont on parle, qui trouve écho chez plusieurs auteurs, plusieurs copistes, et qui resurgit en plein vingtième siècle. Plus techniquement, Eco reprend le topos dixhuitièmiste du manuscrit trouvé, dont un des canons est le Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki. L’écrivain se présente comme le narrataire premier du récit dont il introduit les origines. En quelque sorte, il est bien narrateur extradiégétique, et non plus écrivain, puisqu’il s’inscrit lui aussi dans la diégèse de sa fiction. Le cadre discursif se construit à partir de plusieurs narrataires primitifs (Adso de Melk, Jean Mabillon, l’abbé Vallet) dont le récit définitif est mis en forme par l’écrivain-narrataire Eco. Le cadrage est d’abord discursif (même si l’auteur met en scène le rôle du narrataire), car c’est du mode d’écriture du manuscrit qu’il est question, et non de son contenu. On est du côté du discours et non de la fiction, ce qui rend ambigu ce chapitre premier : il est hors de la fiction au niveau intradiégétique, mais le manuscrit n’existant pas, il est dans la fiction au niveau extradiégétique… C’est pourquoi on ne peut pas dire que ce soit Eco qui assume le premier paragraphe : même s’il l’assumait en son nom propre, cette double visée discursive/fictionnelle du péritexte rend déjà l’auteur autre. Une étude plus poussée de ce chapitre mettrait sans nul doute au jour les mécanismes énonciatifs complexes qui sont à l’oeuvre dans le récit entier.
Quelle part la fiction a-t-elle prise au manuscrit original ? Nous n’en savons rien, mais l’œuvre persiste. C’est l’histoire d’un auteur du 20e siècle qui nous raconte comment est arrivé entre ses mains un exemplaire du 19e siècle, qui est « en vérité » la reprise d’une édition latine datant du 17e siècle reprenant (« fidèlement ») un manuscrit (« naturellement ») allemand en latin du 14e siècle. Il ne manquerait plus qu’un des sujets principaux de ce manuscrit soit l’histoire d’un autre livre perdu durant l’antiquité puis retrouvé puis reperdu et…
Nul besoin d’aller plus loin.
Pour organiser les notes, nous reprenons la structure apparente du récit ; en effet, la version italienne diffère considérablement du manuscrit originel, de l’aveu même du narrateur intradiégétique (« C’est ainsi qu’à présent je me sens libre de raconter, par simple goût fabulateur, l’histoire d’Adso de Melk… »). La part d’invention romanesque, augmentée par chacun des scripteurs successifs du manuscrit est maintenant indémêlable du témoignage originel. La structuration en chapitres et en jours provient par exemple de l’abbé Vallet (structuration qui reprend les codes des romans du 16e et 17e siècles, où l’intrigue est ramassée dans un titre synthétique, voir Gil Blas de Santillane de Lesage, ou Rabelais)
Ce site se nourrit à diverses sources, de natures et de fonctions bien différentes. Elles sont classées par fonctions.
Ce sont celles qui ont avant moi entrepris la tâche complexe d’annoter le Nom, et qui m’ont donné envie d’essayer à mon tour.
Quelques sites ont proposé un ensemble complet traduit des textes en langues étrangères qui apparaissent dans le roman. Il y en a, à ma connaissance, un en espagnol (voir article.pdf), assez fiable, un en italien, qui ne traduit que le latin, et un autre en français, lacunaire et malheureusement fautif à de multiples endroits. Disséminés sur internet, des fragments en anglais et en allemand. Je n’ai pas cherché d’autres langues. Il existe une version complètement annotée en espagnol, qui apporte des renseignements éclairants.
Une exception toutefois, le site « Nomina nuda tenemus » de Pascal Berne. Site prometteur, dont l’auteur a accompli un grand travail, mais qui a complètement disparu de la toile. Cette personne avait établi les notes de la première journée (entre 2008 et 2015), mais n’a pas eu l’occasion de terminer la tâche. Ayant pu retrouver quelques fragments, je les ai repris dans mes propres notes, car il était dommage que ce travail fût complètement oublié. Certaines reprises ont toutefois été amendées. En effet, tout plein de bonne volonté que Pascal Berne ait pu être, certains commentaires présentaient des contresens assez marqués, voire des inattentions dommageables à la compréhension du texte d’Eco (tout comme dans Key to The Name of the Rose ; on peut être surpris qu’à aucun moment ne soit commentée la variante du poème d’Alain de Lille où les choses du monde ne sont plus « miroir », mais perçues « comme en un miroir » (« et speculum » / « in speculum »).
Quelques ouvrages utiles à la compréhension du roman, de ses références ainsi que des termes en langues antiques et médiévales.
- André Peyronie, Le Nom de la rose, Du livre qui tue au livre qui brûle : Aventure et signification, PU Rennes, Interférences, 2006.
- Gilliane Verhulst, Umberto Eco, Le Nom de la Rose, Ellipses, Résonances, 2000.
- Adele J. Haft, Jane G. White, Robert J. White, The Key to The Name of the Rose: Including Translations of All Non-English Passages, The University of Michigan Press, 1999.
De nombreuses citations de la Bible émaillent l’œuvre. Afin de faciliter le travail et dans un souci de cohérence, une seule et même édition a été utilisée pour les traductions. Cela ne veut pas dire que d’autres éditions n’ont pas servi à développer tel ou tel point de référence ou traduction ; elles sont dans ce cas précisées.
L’édition de référence : La Bible : traduction officielle liturgique, Association Épiscopale Liturgique pour les pays francophones, MAME, 2013.
Ce site est rédigé sur GRAV, un logiciel libre d’une simplicité incroyable sans lequel je n’aurais sûrement jamais construit ce site.
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