Où Guillaume a une conversation instructive avec l’Abbé.
Nom de l’Abbé ; à mettre en rapport avec l’étymologie de ce dernier : en grec ancien, ἀϐϐα signifie père.
Latin, « mot de l’esprit », ou dans la terminologie scolastique, « concept ».
Voir le livre de Thomas d’Aquin intitulé Questions disputées sur la vérité, Question IV : Le Verbe, qui traite spécifiquement de ce sujet, et en particulier du rapport de valeur entre la connaissance et la parole humaines d’une part et la connaissance et la parole divines d’autre part.
Cette expression provient de Thomas d’Aquin, qui qualifiait ainsi un « concept universel », une « construction immatérielle », une abstraction, que d’autres philosophes ou théologiens nommaient plus communément verbum cordis.
Il semblerait que ce soit Aristote qui ait le premier théorisé, dans son livre des Physiques, les différents états de la connaissance — allant du plus général (un corps étendu en extension) au plus particulier (Brunel).
Par ailleurs, le verbum mentis est la première des trois paroles que possède l’Homme — les deux suivantes étant respectivement la parole intérieure et la parole extérieure. Cette cascade de paroles est ce qui permet de relier la connaissance à l’expression orale de cette connaissance.
Latin, « salle d’écriture ».
Le principe d’une salle d’écriture et d’une bibliothèque pour la conservation des textes vient de Cassiodore, dont le monastère calabrais Vivarium fut le premier à en être équipé (seconde moitié du VIe siècle). Le scriptorium devint plus tard l’un des traits distinctifs des monastères bénédictins, où les travaux d’écriture dans le scriptorium revenaient aux moines les plus doués et, souvent, les plus ambitieux. Le scriptorium se situait près du chauffoir (calefactorius en latin), pièce dans laquelle les moines pouvaient se réchauffer.
Latin, « tu seras un prêtre pour l’éternité ».
Psaumes 110:4 (« Le Seigneur l’a juré dans un serment irrévocable : « Tu es prêtre à jamais selon l’ordre du roi Melkisédek. » « ) et Hébreux 7:17
La confession ne peut pas être divulguée. Pour l’Église, l’ordination sacerdotale (comme le mariage) est un sacrement et n’est donc pas révocable. Cette formule est utilisée lors des cérémonies d’ordination des prêtres.
Latin, « en présence des prêtres ».
Il semble que le texte originel porte « coram monachis ». La préposition « coram » se construit normalement avec l’ablatif en latin classique. Mais il est vrai qu’en latin médiéval, l’accusatif marque une tendance à supplanter ce dernier. Eco, qui devait fréquenter l’un et l’autre des latins, a probablement retenu le choix de l’accusatif, plus médiévisant.
Latin, « bibliothèques » ou « armoires (à livres) ».
Un armarium désignait, à l’époque médiévale, le meuble (ou la niche aménagée dans le mur) où les livres étaient conservés. Par extension, ce terme fut employé pour désigner la pièce attribuée à la conservation des livres - ou les pièces, si comme ici le pluriel armaria est utilisé. Toutefois, la version française propose la traduction « armoire ».
Texte originel | Traduction |
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Monasterium sine libris est sicut civitas sine opibus, castrum sine numeris, coquina sine suppellectili, mensa sine cibis, hortus sine herbis, pratum sine floribus, arbor sine foliis | Un monastère sans livres est comme une ville sans ressources, un fort sans troupes, une cuisine sans ustensile, une table sans mets, un jardin sans plantes, un pré sans fleurs, un arbre sans feuilles. |
Jacques Louber, prieur de la chartreuse de Bâle en Suisse (1480-1501).
Référence possible à un proverbe médiéval : « claustrum sine armario, quasi castrum sine armamentario » (« un couvent sans salle des livres est comme un fort sans salle d’armes ») présent au XIIe siècle (peut-être en 1170, par le chanoine Geoffroy de Breteuil, sous-prieur de l’abbaye de Sainte-Barbe-en-Auge). Origine nébuleuse, voir cet article. Noter qu’ici Eco s’amuse avec la référentialité temporelle et auctoriale des paroles rapportées. L’auteur importe peu quand on travaille soli pro deo gratia.
Texte latin, « le monde vieillit. »
Au début du prologue, Adso de Melk parle de lui-même en disant : « vieilli comme le monde ».
Lieu commun médiéval, peut-être le plus répandu qui soit. Le monde ancien est idéalisé, tandis que le présent est déprécié. C’est un trait propre à la période médiévale, surtout après l’an mil et la déconfiture des millénaristes, que de considérer l’époque contemporaine comme décadente. Ce topos littéraire est à rapprocher d’une forte croyance en l’imminence de la fin du monde et l’avènement d’un Anté-Christ. L’idée générale est celle d’un déclin, que cela soit dans le nombre des miracles religieux documentés que dans la qualité des relations et des sentiments entre les hommes. Otton de Freising (mort en 1158) résume ainsi : « nous voyons le monde défaillir et exhaler le dernier souffle de l’extrême vieillesse. »
Pour plus d’informations : Baschet, J. (2006). La civilisation féodale. Flammarion.